Je suis papa
Je suis papa
Vendredi 15 Avril, 07h00
Comme chaque matin depuis une semaine je laisse ta maman avec la boule au ventre. A chaque fois j’ai Le sentiment de vous abandonner alors que tu es sur le point de naître, tu aurais même déjà dut le faire depuis deux jours. Ta maman fait plein d’examens chaque jour, et moi, je suis absent, pour mon travail. La pauvre doit se débrouiller seule, heureusement que tes grands parents sont là l’aider. Vers 7h30 j’arrive au boulo et commence ma longue journée. À chaque personne qui arrive, j’ai le droit à la même remarque : « tu es encore là ? » Depuis une semaine tout le monde s’attend à ne pas me voir car ça voudrait dire que tu es né. Mais non tu te fais désirer.
La matinée se passe comme les précédentes : beaucoup de stress , de boulo, de réunions . À chaque fois que mon téléphone vibre je le fixe à l’affût d’une nouvelle de ta maman partie faire son examen quotidien. Mais rien.
13h00 : Je pars déjeuner
De descends manger avec des collègues. Cela faisait longtemps que je ne mangeais pas avec des gens le midi. Je me glisse dans la queue pour prendre une salade et là je reçois le message suivant :
« Je me fais interner ce soir on va déclencher la naissance. »
Je lis ça calmement et glisse mon téléphone dans ma poche en me disant qu’il faut que j’organise mon après midi pour que je ne rentre pas trop tard. D’un coup je m’écrie à haute voix : « quel con ! ». Je sors de la queue, balance mon plateau et file vers mon bureau. Non je ne peux pas « organiser mon après midi » il faut que je parte au plus vite ! Je boucle deux trois mails et me sauve d’un pas pressé mais malgré tout détendu.
J’arrive à la maison, Sandra est sous la douche très détendu également. Au premier regard, l’un comme l’autre nous comprenons que non, nous ne sommes pas du tout détendu. Mais nous venons de passer un accord l’un envers l’autre, juste en nous regardant :
« Toi et moi nous sommes extrêmement stressé.
Tu le sais, je le sais, mais nous ne le montrerons pas… »
Ouais, enfin, c’est un peu raté quand même.
18h00 : Départ pour la clinique
Nous préparons nous affaires et partons. Nous avons passé huit mois à nous dire que le trajet de l’hôpital se ferait dans le stresse et l’énervement avec ta maman qui serait pleine de douleur alors que nous serions bloqué dans la circulation. Pas du tout, nous gardons notre faux calme et sommes presque détendus, par contre il y a bien de la circulation et là ça nous fais moins rire. Malgré tout nous arrivons à l’heure et en deux temps trois mouvements nous sommes face à cette porte où il y a écris « maternité ».
On passe les deux trois formalités et d’un coup je réalise que nous sommes dans une salle de naissance, ta mère est relié à différents appareil dont un qui permet de quantifier et entendre les battements de ton cœur ainsi que les contractions. Moi je suis assis sur ma petite chaise dans un coin . Jusqu’ici tout va bien (tu te souviens ?)… Ok peut être mais là je suis entouré d’appareils qui sont destinés à la naissance d’un bébé donc non ça ne va pas bien dans ma tête : warning, panique, peur, on peu utiliser tous les termes que l’on veut mais je suis bel et bien le témoin de ta naissance . Ça y est la fameuse dernière étape est là !
20h00 : On a une mission pour moi
Les examens s’enchaînent la sage femme s’occupe de ta maman. Moi, à part tenter de la distraire en lui parlant je ne peux pas faire grand chose… Mais la sage femme me donne une mission. Une mission ? Je dois l’aider ? Mettre une blouse blanche ? Je fais quoi ? Et là elle me dit « Vous avez un stylo ? J’ai des documents à vous faire remplir » … Loin de m’enchanter au départ, cette « mission » me remplie de joie. Ce sont les premiers documents administratifs que je remplis où j’inscris ton nom : Gaspar Simon Gonçalves. Tu en voulais du concret ? Ça y est, je déclare officiellement ton nom.
Je passe sur tous les examens et mesures auxquels ta mère à droit. On doit lui donner un produit qui va l’aider à déclencher ta naissance. Mais comme, finalement elle a des contractions l’équipe médicale décide d’attendre, de laisser passer la nuit afin de voir si tu arrives à faire ta part de travail sans le coup de pouce médical. Nous changeons de salle, je joue mon rôle d’homme : je porte les sacs. Ta maman est installé dans une chambre. Je vois un gros fauteuil à côté de son lit, et quelque chose me dit que je vais y passer la nuit. Sandra a droit à son repas, le gros fauteuil me tend les bras, il n’est pas encore 23h, nous voulions voir un film mais je sens que je m’endors …
1h30 : Je sursaute
Alors que je m’étais vraiment endormis, je sursaute quand j’entends Sandra me dire :
» je crois que je pers les eaux ! »
Je me redresse de suite et appelle la sage femme. Nous nous étions tellement mentalisé que ta naissance serait déclenché que l’on a oublié que le naturel pouvait se passer et qu’à un moment tu te déciderais à faire ton boulo. Et bien c’est chose faite ! Je pense qu’à force de nous entendre dire que tu es un feignant, tu as voulu nous montrer que non, et tu as repris les choses en main. Sandra est de nouveau branché à ses appareils et il semblerait que nous allons finir la nuit éveillés à entendre ton cœur battre… Mais pas que …
3h00 : Ho putain de merde
Ça y est ! Je découvre ce qu’est une femme enceinte qui a des contractions. A chaque fois une flopée d’insultes jaillis de la bouche de ta maman. Je sais alors qu’il faut que je lui masse les reins ( Ba voilà j’ai une mission) ça l’aide à se détendre. Sandra enchaine les contractions qui sont de plus en plus rapprochées, mais ta maman les encaisse très dignement. Je vois qu’elle a mal mais nous sommes loin de ce que l’on m’a décris avec des cris et des pleurs. Soudain nous entendons un bébé pleurer dans autre salle. Dans quelques heures ce sera toi que nous entendrons, mon estomac se noue et mes yeux s’humidifient j’ai envie de rêver à toi quand j’entends un « Ho putain… » ha si, elle a mal quand même.
4h30 : Il faut nous laisser monsieur
Alors que je suis en train de masser ta maman, la sage femme arrive et dis le mot « magique » : péridurale . Sandra va enfin avoir moins de douleurs . On nous demande de repartir dans une autre salle. Ce sera là où tu vas naître.
Sandra part devant et quand j’arrive elle est déjà couché. La sage femme me demande de sortir les affaires pour t’accueillir . Je suis un peu perdu, un peu gauche et sort d’abord une, puis deux tenues … et puis encore une. Donc ta mère en a encore une fois trop mis dans la valise. Je ne sais pas si la tenue est celle choisie par ta maman, donc je change encore, la sage femme me dis de poser le tout dans le berceau qui va t’accueillir je range le reste et l’anesthésiste arrive. Je suis tout nerveux quand on me dis : « monsieur, il faut nous laisser un petit 1/4 d’heure ». Je salue ta maman, jette un œil au berceau avec ta tenue, et m’enfuie. Je ne voulais pas que Sandra voie mes larmes monter. L’émotion ! Mais la peur aussi. Je sors de la clinique après avoir tenté de réveiller le vigile pour le prévenir que revenais… Celui-ci ronfle comme un cochon.
Je suis seul. Dehors, il ne fait pas trop froid. Il est 5h00 déjà en ce samedi 16 Avril. Ce sera le tient ! Je réalise qu’à la prochaine nuit tu sera déjà parmi nous et je m’effondre en larme. Je ne sais trop pourquoi certainement le stress mêlé à l’émotion et la fatigue . Je vais être père, bordel ! Tu seras là, Gaspar, mon fils. Je marche un peu afin de faire passer le temps et sécher mes larmes, mais je n’y arrive pas. J’arrive jusqu’à la voiture, monte dedans et m’effondre encore. Des millions d’idées s’entrechoquent dans ma tête. J’ai peur, je suis heureux, je ne réalise pas … J’arrive à me reprendre et là zut, ça fait déjà une bonne demie heure que je suis partit . Je retourne à la clinique, j’espère que le vigile sera réveillé ( heureusement que nous sommes en période de vigilance accrue ! ). Je me presse j’ai l’impression que je suis partit depuis des heures. La lumière de l’accueil est allumé, c’est bon je peux rentrer, je sonne… Ha non, il me demande d’attendre qu’il finisse de faire sa ronde. Le plus drôle c’est que je le vois tranquillement assis de l’autre côté de la vitre . Et lui droit dans ses bottes me regarde dans ma direction ( peut être qu’il ne me voie pas). Donc ma femme est couché sous anesthésie, en train de mettre au monde notre bébé, il est 5h, j’ai froid et j’attends qu’un agent de sécurité, un vigile de supermarché en tenue de pompier, accepte de venir m’ouvrir… Ok, mais il va pas falloir me faire attendre trop longtemps non plus.
6h20 : Il va falloir patienter
J’ai finalement pu rentrer à la grâce de Dieu, enfin dans mon cas le dieu est martiniquais et n’a que le pouvoir d’ouvrir une porte en pleine nuit. J’ai retrouvé Sandra, déjà plus détendue, la péridurale a fait effet. Voilà, à 35 ans elle s’essaye aux drogues dures. Après quelques examens la sage femme nous dis c’est bien ça avance, mais on est partit de loin. Premier signe. Un peu plus tard elle me dis que vers 7h30 je pourrais sortir prendre un petit déjeuner. Deuxième signe. Ensuite, elle me dit, que ma nuit blanche n’a pas été utile que j’aurais mieux fait de dormir. Troisième signe. Enfin elle nous dit bon que l’on est à 3cm, il en faut 10, et que c’est environ 1cm par heure… C’est donc ça les signaux : Nous allons attendre longtemps. Très longtemps.
Alors on attends… Encore … Et encore. Je suis assis sur une chaise pas très confortable en plus …
11h00 : Une surprise sur le parcours
Bon, et bien, il s’en est passé des choses en presque 5 heures. J’ai pris mon petit déjeuner, je t’ai acheté la presse du jour de ta naissance, et puis nous avons attendu. Encore, et encore . Au final l’attente s’est avéré veine.
Apparemment, soit tu ne trouves pas ton chemin, soit tu es trop grand pour ta maman. Le médecin et la sage femme prennent la décision qu’il faudra te donner un coup de main. Pour Cela il faudra faire une petite opération à ta maman, cela s’appelle une césarienne . Sandra est déçu, elle espérait que ta naissance se fasse par le biais « normal ». Du coup les larmes lui sont monté aux yeux car elle sait qu’elle ne vivra pas ce moment comme elle n’avait imaginé.
Moi je tente de la rassurer, de blaguer, de la divertir mais au fond de moi je suis terriblement déçu pour elle et effrayé aussi. Je sais très bien qu’une opération de ce genre est courante et ne représente que très peu de risque, mais dans un moment comme celui là le moindre imprévu te fais penser au pire. Le plus étrange est que ce n’est pas un imprévu car cette possibilité était fortement envisageable du fait que tu es un beau bébé.
12h00 : Je me retrouve seul
Sandra s’en va en direction du bloc opératoire. Quand nous nous retrouverons, tu seras avec nous. J’ai gardé le sourire tout le temps, mais elle me connaît, Je parie qu’elle a bien compris que j’étais mort de peur. Peut être même plus qu’elle. Maintenant, je suis dans la salle où nous étions depuis ce matin. Elle est vide. Je suis juste à côté de ton berceau avec tes petits vêtements. Je t’écris pour éviter de penser trop. J’ai peur tout simplement. Ta maman et toi êtes tout pour moi, et là vous n’êtes plus avec moi. Je suis comme perdu. Je ne sais pas quoi faire, où aller. Donc plutôt que de me faire des films je me focalise sur toi et Sandra. Elle est en train de te donner la vie. Tu es en train de prendre vie. Moi je vous attends : impuissant et mort de peur. Alors, pour me vider la tête, je t’écris.
C’est étrange, je ne t’ai pas encore vu, mais je me sens déjà ton père. J’entends des bébés pleurer dans les salles à côté et je me dis à chaque fois : c’est lui ? C’est Gaspar ? C’est Ribouille ? Non Jorge ! calme-toi ! On t’a prévenu que tu allais devoir attendre une heure. Un peu de patience, Sandra n’est partie que depuis quelques minutes et déjà je me sens […]
« Vous venez ? »
Une sage femme m’interpelle et je la suis bêtement.
Il est 12h15. Tu es né depuis trois minutes, tu es couché sous une lampe chaude et quelqu’un te nettoie . C’est toi que j’entendais. Que j’entends et entendrais toujours raisonner dans ma tête. Ce pleur un peu roque est le tien. Tu es là. Après quelques instants et un peu de nettoyage la sage femme t’enroule dans un drap et te met dans mes bras. Je te tiens, mon fils, mon Gaspar, mon bébé. Tu es dans mes bras, tu cris, tu pleurs, mais j’arrive quand même à te trouver mignon. Ta maman n’est pas encore là, mais on m’assure qu’elle va bien. Je repars dans la salle. Tu pleures, tu cris, t’agites je vois même une larme couler. Je suis un peu perdu mais je sens ta peau contre la mienne, tes mouvements, tes mains, tes ongles.
Pour te calmer je commence à fredonner « You’ve Got a Friend » la chanson que nous te faisions écouter et tu te calmes un peu. Tu ouvres les yeux. Tu me regardes. Salut, c’est moi ton papa. Je t’aime, tu sais ? Si je ne le réalisais pas vraiment avant, maintenant je sais que je suis père. Je me perds dans ton regard.
Tu repars en pleurs de plus belle, mais tu t’arrête en entendant la voix de ta maman, je sais que tu l’as reconnu. Elle revient encore affaiblie par l’opération, mais son regard en dis long. Après quelques minutes de repos, Sandra te prend et te couche sur elle et je contemple les deux plus importantes personnes de ma vie, mon tout.
Nous ne serons plus deux. Nous sommes trois, une famille : maman, papa et bébé ; Sandra, Jorge et Gaspar. La journée s’enchaîne très vite, nous avons eu une petite heure de « répit » tous les trois. Un répit rythmé par tes pleurs. mais déjà nous t’habillons et nous montons tous les trois vers la chambre de ta maman. Tes grands parents Alcina et Silvestre sont déjà là et trépignent de te voir.
Il est déjà 22h je rentre à la maison mais j’ai laissé quelque chose derrière moi. Tu me manques, ta maman aussi je me sens vide. Je me couche, mais ne dors pas. Je me refais le film de cette longue journée dans la tête, je regarde quelques photos et répète à voix haute :
« Je suis papa »
– Ton Papa qui t’aime –
Je te donnerais quelques photos de ce jour si magique dans quelques jours…
Mots-clefs : maman, papa, ta naissance